Risques associés au travail des manutentionnaires
Les risques en manutention ont été regroupés en quatre catégories basées sur le type d’effort impliqué dans la tâche.
Les risques varient selon le type de manutention, le contexte de travail et les imprévus. Ils ne sont donc pas identiques d’une situation à l’autre.
Tantôt le risque de surcharge prédomine, tantôt c’est plutôt la fatigue (ou « effort par cumul »). Un incident imprévu peut exiger des efforts soudains d’un travailleur. Ailleurs, un autre manutentionnaire ne pourra pas répartir la charge sur son corps sans torsion. Il est fréquent que tous ces risques se côtoient dans une même tâche.
Le préventeur doit être attentif à la présence simultanée de ces risques. C’est ce qui lui permettra de comprendre les compromis que les manutentionnaires sont amenés à faire. Afin de gérer l’ensemble des risques au quotidien, ceux-ci doivent faire preuve de jugement.
Les efforts excessifs
Cet effort trop grand survient habituellement dans les premiers moments du soulèvement. Le poids de la charge, combiné à sa position par rapport au manutentionnaire, en détermine l’ampleur. C’est le type d’effort le plus documenté en manutention.
Une charge lourde, posée au sol, et qui se trouve éloignée du manutentionnaire représente un risque certain. Son soulèvement engendrera un chargement susceptible de dépasser les capacités physiques du manutentionnaire. Il en résulte un risque de surcharge pour le dos et une probabilité accrue de blessure.
S’ils peuvent survenir à tout moment, ces efforts se produisent normalement à la phase initiale du soulèvement. C’est à ce moment que le dos encaisse un chargement maximal. L’effort excessif est la cause la plus souvent mentionnée dans les bases de données d’accidents. Cette situation a donc fortement orienté les recherches pour prévenir les risques en manutention. Inspirées d’études biomécaniques en laboratoire, les recommandations portent le plus souvent sur des techniques visant à protéger le dos des surcharges :
- être près et en face de la charge ;
- garder le dos droit et fléchir les genoux ;
- assurer un équilibre stable ;
- soulever/déplacer la charge lentement à vitesse constante ;
- faire pivoter les pieds pour s’orienter vers le lieu de dépôt ; etc.
Ces techniques visent à favoriser des chargements que la colonne peut supporter et à répartir la contrainte uniformément.
Les efforts par cumul
Ces efforts dépendent du nombre de manutentions effectuées et du temps où la charge est complètement supportée. La nature du trajet à parcourir (distance, dénivelé, etc.) devient alors déterminante.
Le risque principal associé à ces efforts est de développer une fatigue générale ou localisée. Il appert que la demande en oxygène des muscles du dos (erector spinae) augmente avec le temps lors d’une tâche typique de manutention. Celle-ci atteint un sommet à la fin d’une journée de travail de huit heures. Selon des études récentes, la fatigue musculaire et l’instabilité lombaire qui en résultent seraient une cause de maux de dos.
Le risque dont il est question ici n’est pas biomécanique, mais plutôt physiologique. Un muscle fatigué constitue une réaction physiologique qui peut affecter la qualité de l’action mécanique.
Des études ont documenté ce type d’efforts et proposent des mesures préventives axées sur des valeurs seuils (fréquence maximale de manutention, tonnage quotidien, etc.). Contrairement aux études sur les efforts excessifs, aucune n’a émis de recommandations ayant trait à la formation. Pourtant, les manutentionnaires expérimentés cherchent à élaborer des méthodes qui limitent cet impact physiologique tout en leur permettant d’être productifs.
Les efforts soudains
Ces efforts sont fournis lorsque le manutentionnaire tente de préserver son équilibre ou de garder le contrôle de sa charge. Ils peuvent entraîner des blessures traumatiques comme une chute, par exemple.
Quand un manutentionnaire prend une charge, il crée du même coup un « système », le système manutentionnaire-charge. Comme tout système, celui-ci tend à préserver son équilibre. Par conséquent, toute situation risquant de mener à la rupture du système peut causer des efforts soudains.
Un effort soudain consiste habituellement d’une réaction musculaire non programmée et très rapide, c’est-à-dire un réflexe. Cet effort survient pour faire face à un événement imprévu (qu’on appelle un incident en ergonomie). Le corps n’étant pas préparé à cet effort intense, surtout si la fatigue s’est installée, il peut en résulter une surcharge menant à une lésion.
De nombreuses situations peuvent susciter ces efforts élevés de courte durée. Un manutentionnaire qui risque de perdre l’équilibre ou le contrôle de sa charge tente naturellement de récupérer la situation par des mouvements rapides et secs. Et c’est souvent dans ces situations qu’il est vulnérable aux blessures traumatiques. Il peut ainsi tomber, se frapper sur une structure ou être frappé par sa charge. Lorsqu’ils manipulent une charge, les travailleurs sont conscients qu’ils peuvent être appelés à réagir rapidement à un imprévu. Ils s’assureront, par exemple, qu’ils ont suffisamment d’espace pour éviter un objet qui tomberait ou pour faire un pas en avant pour éviter une chute.
Les efforts asymétriques
Ces efforts sollicitent le corps de manière inégale, en se concentrant sur une partie en particulier. Cela crée une usure ou une fragilité qui rend le travailleur vulnérable.
Une charge qui n’est pas manipulée devant le corps peut engendrer ce type d’efforts. En effet, un côté du corps est alors plus exposé à la contrainte. On parle d’un effort asymétrique quand l’axe des épaules et celui du bassin ne sont pas alignés. Dans ces situations, il se produit une torsion de la colonne, qui constitue l’effort asymétrique le plus connu.
Si ce type d’efforts est considéré ici comme une catégorie, il constitue en fait une condition aggravante lorsque combiné aux autres efforts. Ainsi, un effort soudain sera plus dommageable s’il survient alors que le corps travaille de façon asymétrique.
(Source : Denis, D. « Manutention, repenser la formation ? », Travail et santé, 2012, vol. 28, no 1, p. 8-13.)